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"C'est un vrai kiffe chaque fois que le Tour passe dans l'Ain". Entretien exclusif avec François Belay

L'Aindinois François Belay est considéré comme "La voix du Tour de France". Originaire de Bourg-en-Bresse, il anime l'arrivée des étapes de la Grande Boucle depuis 2003 avec toujours autant de passion. Le Burgien a accepté de répondre aux questions de Cyclisme Ainfo pour parler de son expérience et de son rapport avec le département de l'Ain.



Est ce que vous pouvez expliquer votre métier pour ceux qui ne vous connaissent pas ?
Avec mon métier je suis au service d'une animation. Je m'occupe des animations en dehors du sportif. Je rencontre pleins de gens, je mets en place mon programme de la journée. Sur le Tour de France j'accueille souvent des clients de partenaires, il y a toujours un jeune, les juniors, la caravane du Tour qu'il faut animer. Avant la fin de la course je pars au protocole. J'appelle les coureurs, les maillots distinctifs, c'est ma voix qu'on entend derrière les commentateurs France TV (rire). C'est super comme métier car on noue des complicités avec les coureurs, parce qu'on peut discuter avec eux, les voir. On a vraiment une proximité.  

J'ai un parcours complet, ça fait plus de quarante ans que je fais ça. J'ai monté une radio pirate en 1977 avec des copains. Je connaissais quelqu'un qui avait du matériel de diffusion et il a créé Radio Méga. (devenu Radio 2 en 1980). Moi je vendais des disques donc il venait chercher des disques chez moi et il m'a embarqué dans son aventure. J'étais aussi bénévole et je faisais quelques animations en plus à côté. En 1984, le groupe du Dauphiné a racheté la boite et m'a embauché. Je faisais des émissions, des animations et des reportages. J'ai aussi collaboré avec France Inter notamment dans le domaine du sport avec le rugby. J'étais vraiment journaliste. J'ai également eu un expérience télé en 1987 sur M6. Ils avaient une émission qui cherchait un nouveau talent et je suis allé en finale, avec des gens comme Nagui. Mais il n'avait pas de poste pour moi donc au bout de six mois j'ai fais mon retour comme rédacteur en chef sur Radio 2 où j'ai développé le sport. Mais quand NJR a racheté la radio à cause de difficultés financières je suis parti.

Puis de fil en aiguille je me suis lancé dans l'animation sportive. En février 2002, j'ai animé la Classique Haribo à Marseille avec Daniel Mangeas. C'était la première course de la saison et Jean-Marie Leblanc, le président du Tour de France, était présent. Il a aimé notre complicité donc à la fin de la course il est venu me voir. Il m'a dit que j'avais mon propre style et que je ne le copiais pas. C'est normal parce qu'on a commencé tous les deux au même moment donc Daniel ne m'a jamais influencé. Et Jean-Marie Leblanc m'a demandé si je voulais faire le Tour donc évidemment j'ai dit oui. J'ai animé trois étapes en 2002 pour tester et je suis devenu speakeur officiel en 2003. Depuis j'ai fais vingt-deux Tour de France, trente-deux Tour de l'Ain et la semaine prochaine je vais faire mon troisième Tour de l'Avenir. J'anime aussi le Critérium Cycliste du Grand Dole.
Je m'éclate comme un fou, parce que le Tour c'est le Tour. Le Tour de l'Avenir c'est les futurs champions, ça attaque de partout, ça ne calcule pas. Et pour le Critérium Cycliste du Grand Dole j'ai beaucoup d'affection car j'anime depuis trente ans là-bas.  



Le Tour de France est d'ailleurs passé souvent dans l'Ain ces dix dernières années avec un départ à Chatillon-sur-Chalaronne, et des arrivées en haut du Grand Colombier et à Bourg-en-Bresse en 2023, à Saint-Vulbas en 2024… Qu'est-ce que cela vous fait de voir le Tour de France passer à côté de chez vous?
C'est un bonheur ! En 2002 c'était la première arrivée d'étape dans l'Ain à Bourg-en-Bresse. Et depuis dix ans on a le Tour beaucoup plus souvent parce qu'on a des élus comme Jean Deguerry qui veulent accueillir le Tour. Avant il n'y avait pas cette volonté, mais maintenant le département a une politique de communication et le Tour permet de faire connaitre l'Ain dans le monde entier.  Moi qui était déjà dans la place depuis une dizaine d'années, je les ai un peu aidé à rencontrer Christian Prudhomme. Parce que à part les Jeux Olympiques, quel évènement peut montrer autant de cartes postales de la France ? C'est un vrai kiffe chaque fois que le Tour passe dans l'Ain. Il y a eu Bellegarde-sur-Valserine (2012), le Parc des Oiseaux (2016), Bourg-en-Bresse (2023),le Grand Colombier (2023)… Ce sont des lieux et des étapes qui nous ont marqué. C'est un vrai bonheur. Si autant de villes veulent le Tour chaque année c'est qu'il y a un vrai impact ! On l'aura peut-être pas dans les deux ans qui viennent parce qu'il faut partager mais il reviendra. Et puis l'avantage de l'Ain, c'est que c'est un carrefour. On a le Jura, on est proche des Alpes, on peut faire des arrivées au sprint… c'est un atout. C'est d'ailleurs ce qui fait le succès du Tour de l'Ain. On peut proposer des parcours vallonnés, de la grimpette et du plat.


Crédit Photo : Wave Event



Bourg-en-Bresse, votre ville, a accueilli l'arrivée d'une étape du Tour de France l'année passée, d'une étape du Tour de l'Ain cette année. Il y a aussi Florian Grengbo, un ancien de l’École de Cyclisme de Bourg-en-Bresse qui a participé aux Jeux Olympiques. On a également Bourg Ain Cyclisme (BAC) qui fait partie des meilleurs N1 de France et certains coureurs passent pro comme Victor Guernalec cette année… Qu'est ce que ça vous fait de voir votre ville être aussi active dans le cyclisme national et même international ?
Ça me plait vachement. J'étais parrain du BAC pendant deux saisons quand ils sont passés N1. Ce qu'ils ont fait c'est remarquable ! Ils révèlent des talents c'est incroyable. C'est une grande fierté, Bourg-en-Bresse est une ville de vélo. Il y a beaucoup d'efforts du maire, qui a mis en place des pistes cyclables pour encourager les déplacements en vélo. Beaucoup d'efforts ont été fait pour développer le vélo et la pratique sportive. Le département de l'Ain et la ville de Bourg-en-Bresse commencent à être reconnus comme un département et une ville de vélo. Le BAC est respecté partout. Le président a su attendre leur heure pour avoir une montée durable. Ils ont été champions l'année dernière, ils sont super forts et enchainent les victoires… Je suis fier de dire que je suis de Bourg-en-Bresse. Le BAC a aussi la volonté de faire une équipe Continentale, il y a une envie de développer le sportif et ça, ça serait vraiment sympa. Le soucis, c'est que chaque équipe professionnelle a son équipe Continentale donc c'est difficile d'attirer des jeunes… Il faudrait quelques millions d'euros mais c'est compliqué car il y a beaucoup de sports à Bourg-en-Bresse avec le football, le basket, le rugby… mais c'est le prochain défi de Christian Milesi, le directeur sportif du BAC. Je sais qu'il est regardé par beaucoup d'équipes, même professionnelles car elles aiment sa manière de travailler. Mais il aime Bourg-en-Bresse. Il a tout gagné et il veut des nouveaux défis. Aujourd'hui, j'ai du réseau, à voir si je peux les aider…

Et puis dans l'Ain on a aussi Pierre-Luc Périchon qui veut monter son équipe professionnelle. Il a un projet qui est intéressant. On aussi Geoffrey Soupe qui a plein d'idées pour l'après carrière. Je suis fier d'être ambassadeur de ce territoire et de Bourg-en-Bresse. Je suis toujours fier de parler de l'Ain.


Pouvez vous nous racontez votre plus beau souvenir ?

Mon premier grand souvenir c'est celui du centenaire du Tour de France en 2003 à l'arrivée sur le Pont de l'Alma. J'ouvre le micro et j’entends une sonorisation à perte d'oreille. Et sur les Champs Élysées, il n'y avait personne alors que d'habitude il y a plein de monde. J'avais l'impression d'être Jules César qui faisait son discours c'était incroyable. Et là, j'avais fini ce Tour du centenaire et c'était une vraie émotion. Sinon il y aussi la victoire de Christophe Riblon a l'Alpe d'Huez en 2013 c'était fort. Mais il y en a tous les jours des émotions sur le Tour, et quand on voit la victoire et la joie d'un mec, de ses équipiers, je trouve ça émouvant. Sur les podiums protocolaires il y en a qui n'en croit pas leurs yeux, comme Victor Campenaerts cette année (vainqueur de la dix-huitième étape). C'est quelqu'un qui a plus de trente ans, il a de l'expérience, mais il pleurait, il n'en revenait pas.

Sinon le moment le plus douloureux c'était l'étape du Contre La Montre au lendemain des attentats de Nice en 2016. Il y avait un silence de morts. On était tous touché. Les premiers coureurs arrivaient dans l'indifférence générale. On était deux speakeurs comme des cons sans musique. Le podium protocolaire s'est aussi fait sans musique, les vainqueurs sont montés avec un bouquet de fleurs sur le podium. Il y avait les pompiers, policiers, préfets, mais pas de remise de prix et une minute de silence. Après la minute de silence, je n'avais rien préparé, je n'avais pas de note, mais Christian Prudhomme m'a demandé d'improviser quelque chose. J'ai sorti un discours qui sortait de mon cœur, qui m'a pris au tripes. Il y avait un silence d'une lourdeur absolue et je savais que le signal allait dans le monde entier. On entendait que moi, les commentateurs télé ne parlaient pas. Je me disais que mon message était passé dans le monde entier et c'était une sorte d'hommage pour ces morts de cette barbarie. J'étais spectateur de mon discours, je ne sais même plus ce que j'ai dis. Mais c'est l'une des plus grandes émotions fortes. Le Tour de France c'est une fête, mais c'est aussi une manifestation qui est inscrite dans le monde réel et ça nous l'a rappelé douloureusement.

Sinon sur le Tour j'aime bien la joie d'un vainqueur comme Thibaut Pinot, Julian Alaphillipe ou Romain Bardet en France. Je trouve ça incroyable. Comme sur les Jeux Olympiques, avec ces victoires, on voit un peuple uni. On voit plein de gens qui ont envie de cohabiter ensemble, même dans ces temps compliqués.

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