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« Le diabète, c'est une condition, pas une maladie » : Lucas Terrier revient sur son passage chez les professionnels 

Lorsque Lucas Terrier s'exprime, c'est toujours avec le sourire, même pour parler de son diabète. « Je vais pas pouvoir rentrer, je vais sonner aux portiques du stade à cause de mon patch » ironise-t-il avec ses amis, avant un match de football de l'Olympique Lyonnais. Tout juste sorti du lycée, le jeune homme a deux objectifs : sensibiliser les gens à propos de son diabète de type 1 pour leur apprendre réellement ce que c'est, et performer au plus haut niveau en cyclisme. En effet, malgré son trouble auto-immun qu'il ne considère pas comme une maladie, mais comme une condition, le Français est passé professionnel, à seulement 18 ans. Tandis que la majorité des jeunes de son âge se rendent simplement à la fac après le lycée, l'ancien coureur de Bourg Ain Cyclisme U19 a ajouté à son emploi du temps, une carrière dans l'équipe américaine Novo-Nordisk Development. La particularité de cette formation : son effectif est composé seulement de coureurs diabétiques. Entretien avec un gamin qui a réalisé son rêve après un parcours atypique, en dépit de sa particularité physique.


« On m'a dit que ce n'était pas possible de continuer le vélo à haut niveau. »

Lucas Terrier n'a pas toujours su qu'il était diabétique. C'est en février 2017 que la nouvelle tombe. A cette époque, les progrès de la médecine ne sont pas les mêmes qu'aujourd'hui et le message est clair : il ne pourra plus faire du cyclisme à haut niveau. Une nouvelle qui ne l'a pas arrêté pour autant. « J'ai continué le vélo plaisir pour faire du sport mon médicament » raconte le coureur. Une carrière qui aurait donc pu s'arrêter, avant même d'avoir pu débuter.

C'est à quinze ans qu'il apprend qu'il existe des solutions pour rester performant, voir même rejoindre le plus haut niveau, malgré cette condition. En effet, il prend connaissance du programme Talent ID, lié à l'équipe professionnelle Novo Nordisk, grâce à Phil Southerland, le PDG de la ProTeam. Ces stages font passer des tests et repèrent les jeunes cyclistes atteints de diabète. « Ce sont des sessions sur un home-trainer, en distanciel et sur inscription. En fonction de ça, ils sélectionnent des athlètes pour faire un stage en présentiel » explique-t-il. « Là-bas, tout est organisé pour gérer le diabète, il y a des docteurs, des balances de partout pour peser ce que tu manges. Ça nous sert pour peaufiner la gestion du diabète. C'est limite si tu n'as pas le diabète, tu es différent. » 


« Les années juniors ça ne se néglige pas » : une formation à Bourg-en-Bresse

Lucas Terrier sous les couleurs de Bourg Ain Cyclisme U19 - Crédit Photo : Mickaël Pibolleau  

En plus des stages avec Talent ID, Lucas Terrier complète sa formation chez les U19 en sport étude au lycée Carriat à Talent 01, mais aussi sous les couleurs de Bourg Ain Cyclisme U19. Lors de ses deux années avec la tunique de la structure aindinoise, le coureur qui fêtera ses 19 ans le 4 avril a pu découvrir ce qu'il appelle le « début du vrai vélo » avec les courses U19 qui s'allongent et se durcissent. « J'ai fait une bonne saison en Junior 1 donc j'avais beaucoup d'attentes pour celle en Junior 2, mais je ne vais pas mentir, elle était en dessous de mes attentes. J'étais blessé en début de saison (main cassée) et j'ai eu plusieurs infections avec les patchs pour le diabète pendant la saison. » Malgré ces problèmes, cela ne lui a pas empêché d'aller chercher de beaux résultats, comme une victoire en Open, ou encore une sixième place sur le Championnat Auvergne-Rhône-Alpes U19.

Pour la saison 2025, pendant que ses anciens équipiers se tournent pour la plupart vers des équipes amateures françaises, Lucas Terrier a été contacté par Novo Nordisk Development, qui possède un statut d'équipe Continentale. « Cette année, j'ai proposé de belles valeurs pendant les tests qui nous ont fait passer. Ça a apparemment plu à l'équipe parce qu'ils m'ont proposé de rejoindre l'équipe de développement. » 


Un soutien incommensurable de la part de tous

Même si cette signature dans l'équipe américaine est une réussite, le Français reste lucide et ambitieux. « Ce n'est pas une finalité en soit d'arriver là, on vise plus confie-t-il avant d'annoncer :  un coureur sans objectif, c'est un coureur sans ambition. » Lucas Terrier a donc pour but d'aider l'équipe pour commencer, et pourquoi pas tenter de performer si l'occasion se présente. Pour l'aider, il pourra compter sur les conseils et le soutien des anciens Français passé par l'équipe Novo Nordisk : Charles Planet et Quentin Valognes. « Ils m'ont permis d'approcher mes rêves. Charles, c'est un gars qui a le cœur sur la main, un pilier qui m'a motivé quand j'ai découvert que j'avais le diabète. »  

En plus de ses compatriotes, l'ancien vert et noir aura l'occasion de s'appuyer sur les membres de l'équipe Novo Nordisk comme Anton Muller, qu'il connaît bien, car il a déjà eu l'occasion de courir face à lui en junior, ou Matthias Kopecky. Ce dernier est la pièce maîtresse de la formation américaine, puisqu'il a réussi à plusieurs reprises à accrocher des tops 10 en professionnel, notamment sur les Coupes de France. « Ça fait plaisir de voir qu'il est parti d'un stage comme moi. Il fait rêver, on a envie de faire pareil. »

Malgré tous ces changements, une chose n'a pas changé pour lui : la place de son père et de ses proches dans sa réussite : « Je suis entraîné par mon papa. J'ai fait trois ans à Talent 01 avec lui, et dans la continuité, j'ai voulu reprendre avec mon papa. » Ce choix n'est pas anodin pour le membre de l'équipe américaine, puisqu'il n'hésite pas à évoquer l'importance de son entourage dans sa réussite. « Sans eux, ce n'est pas possible » souffle-t-il au micro de Cyclisme Ainfo.

« Il n'y a plus qu'à appuyer fort sur les pédales »

Lucas Terrier lors de sa première course en professionnel, sur le Tour de Rhodes - Crédit Photo : cyclingphotos.gr

« Tous les entraînements qui ont été faits les années avant cela viennent se recueillir ici. J'ai fait une bonne prépa, donc je suis serein. » Le coureur, qui a déjà effectué ses premiers tours de roues en course cette année à l'occasion du Tour de Rhodes, est confiant pour la suite. Pour lui, ce n'est pas cette différence physique qui va l'arrêter. D'ailleurs, ce passage dans le monde du cyclisme professionnel dépasse le cadre du sport : le diabète n'est pas une fatalité pour Lucas Terrier, et il compte bien le démontrer. « Il n'y a plus qu'à appuyer fort sur les pédales et repousser mes limites pour avancer avec l'équipe. » Pas mal pour un gamin qui ne devait plus être capable de faire du cyclisme à haute intensité.

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